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Frotte le sol

Frotte le sol
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23 septembre 2011

Le premier pas, tant attendu, se fit un samedi,

Le premier pas, tant attendu, se fit un samedi, en milieu de
matinée. Notre route vers Amsterdam commençait !



Partant de la mairie, nous avons revu les endroits que nous
fréquentions depuis plusieurs mois. « Notre » bureau de tabac,
« notre » boulangerie, « notre » parking… Quelques mètres
après la boulangerie, notre appartement. Mais cette fois, plus  de clé à glisser dans la serrure, plus
d’escalier à monter, ni de chaussure à balancer en refermant la porte.



Cette fois, il fallait continuer tout droit, et notre lit de ce soir n’avait
pas encore d’adresse...





Les premiers kilomètres se font avec une facilité étonnante. S’il en était
ainsi durant tout le voyage, et pour tous voyages, le monde entier ferait le
tour de la planète pour se divertir, et la voiture n’aurait jamais été
inventée...  Douce sensation de
légèreté  qui nous enveloppe aux premières
heures ! A savourer,  car cela ne
dure jamais ! La légèreté se révèle vite illusoire, et la réalité, c’est
le sac à dos.  Sac qui ne manquera pas de
présenter quelques petites gênes au fil du chemin, qui elles-mêmes, après
s’être bien installées, se changeront en douleurs. Bien sûr, avant de se
retrouver









complètement ralenti, boitillant au bord d’une nationale,
peuvent défiler de nombreux kilomètres, mais prudence, ça vient toujours !



En ce qui nous concerne, pour l’instant notre aura a l’air
d’effrayer les difficultés car nous nous sentons sous un bon jour. Nous faisons
de la sortie d’Alençon un simple détail, et après  avoir passé des châteaux d’eau et un chemin
de fer, nous voyons arriver une voiture d’auto-école nous klaxonnant.  Ma petite sœur, qui a pris soin de faire
parcourir à son élève un circuit lui permettant (à elle) de nous croiser, nous
fait coucou. Et puis voilà.

Nous continuons notre route, dans quelques minutes nous pourrons prendre sur la
droite un chemin.  Ce sera beaucoup plus
plaisant. Quand soudain, la voiture d’auto-école nous fait signe de venir
parler à sa vitre avant-droite. En guise de porte-bonheur, elle nous tend deux
bières.  Plus tard, quand nous les
dégusterons, nous verrons pour la première fois, et bien que nous connaissions
déjà cette marque ;  que ces bières
sont brassées en France, mais selon une recette, et sous contrôle de…
Amsterdam !  Forcément nous
prendrons ça pour un signe. Tout est signe, d’ailleurs. Ces deux trèfles à
quatre feuilles que Pépite trouvera plus tard, ma bague de nomades touaregs,
achetée à un targui quelques jours auparavant ; et cette pluie qui
arrosera Alençon durant cette première journée mais nous épargnera, alors que
nous ne serons qu’à quelques kilomètres sur les hauteurs d’Ecouves… Le monde a
tout  fait concorder afin que notre
voyage soit sous une bonne étoile… Nous bénéficions de la protection d’une
force invisible et mystique !

(Les optimistes sont des imbéciles heureux, et 
les pessimistes , des imbéciles malheureux.  Il y a tout de même une catégorie plus
attrayante, non ?)



Le chemin vers la forêt d’Ecouves nous apprit qu’il pouvait
exister des coquelicots roses. Dans un champ de blé, et loin de moi l’idée de
vouloir faire des généralités et participer à la propagation de clichés réducteurs,
mais, en y réfléchissant bien,  il faut
admettre que les coquelicots élisent souvent domicile dans un champ de
blé ; pas tous, bien évidemment, mais beaucoup quand même ; bref, je
disais, dans un champ de blé, au milieu de coquelicots respectant la norme :
trois coquelicots roses !  Anomalie
génétique ? Hallucination de notre part ? Espèce
rarissime ?  N’ayant pas de réponse,
nous prîmes une photo.



Arrivés à la lisière de la forêt, nous avions déjà mangé un casse-croûte à la
confiture, et nous nous étonnâmes d’être arrivés là si vite. Avec tant de
facilité, c’est sûr, nous serons de l’autre côté de la forêt avant ce
soir !



Dans la forêt il y avant beaucoup d’arbres. Il y avait également un cerf que
Pépite a vu en entier, et moi à moitié ; des fougères nous faisant don au
passage de quelques tiques qui voulaient voyager ; et  en plein milieu, les délimitations d’une zone
de tir sur lesquelles étaient inscrites : « PASSEZ ». D’autres
panneaux nous menaçaient de danger de mort en cas de non-respect des indications,
mais là, tout allait bien, puisqu’il était écrit : « PASSEZ ».

Nous engageant dans la zone potentiellement dangereuse mais pas aujourd’hui,
Pépite me fit cette remarque pertinente :



- Et comment on fait si ça passe à NE PASSEZ PAS pendant qu’on est
dedans ?



Amusé par cette remarque, je me dis que si je possédais une
centrale nucléaire, je confierais sa sûreté à Pépite. Elle, au moins, a le
talent d’explorer toutes les possibilités…

Une fois de plus,  la chance était avec
nous car nous avons pu traverser cette zone et vivre la suite de notre vie.
Nous sommes plus tard tombés sur un sentier botanique , mais, nous étions-nous
écartés sans le voir ? ou était-ce réellement du foutage de gueule ?
nous n’avons vu que trois panneaux explicatifs. 
Nous avons en tous cas appris ce qu’étaient un frêne et un autre arbre
dont nous avons oublié le nom… Après tout, nous ne sommes pas venus là pou ça.



Après avoir réussi à avancer grâce aux chemins et voyant que
tout se passait bien, nous avons décidé de couper à travers les parcelles, sans
les chemins. Pour essayer. Pour être plus au cœur de la forêt. Pour se rêver
aventuriers.  Enfants, on entend des tas
d’histoires sur les forêts. Surtout des histoires de gens perdus. La réalité
adulte, c’est qu’il est effectivement pas évident de se frayer un chemin qui
soit une pure ligne droite. On arrive toujours plus à gauche ou plus à droite
de l’endroit prévu. Mais de là à tourner en rond et se perdre à tout jamais, ça
sent le champignon hallucinogène à plein nez, ces histoires ! Ou alors, le
rond en question fait dix kilomètres de diamètre, et là, le promeneur ne se
rend pas compte qu’il est sur un cercle. Ca tombe bien, en France, nulle forêt
où l’on puisse placer un cercle de dix kilomètres de diamètre sans qu’il ne croise
un chemin de l’Office National des Forêts. De l’intérieur on l’oublierait
presque,  mais Google Earth m’a rappelé
que vu du ciel, les forêts françaises ne sont presque plus que des champs
d’arbres…



Nous avancions donc en ligne approximativement droite pour
atterrir le plus près possible de la sortie désirée.  Nous regardions la
beauté de cette forêt et discutions beaucoup, car il s’agissait de la première
journée : l’énergie et l’entrain étaient là. Contournant un lotissement de
fougères car je n’avais pas de pince à épiler, je finissais un mégot retrouvé
dans mon paquet de cigarettes vide. Nous passions de zones humides en zones
plus sèches, de passages dégagés en endroits envahis de ronces, et faisions
tout pour garder le cap et arriver sur la bonne parcelle de forêt.

Après plusieurs minutes et je ne sais plus combien de sujets de discussion
abordés, nous sentîmes quelque chose comme le moment  de rejoindre un chemin. Ce devait être
légèrement sur notre droite, et là, nous serions à la parcelle 149.

149 étant naturellement un nombre pris au hasard car je ne me souviens plus du
numéro dont il était réellement question à ce moment là. Mais en dérivant
légèrement sur la droite, nous serions sur le chemin, et là, déjà le temps de
le dire, nous pouvions voir des éclaircies dans le feuillages des arbres.  Légèrement essoufflé, je laissais Pépite
prendre de l’avance, car elle désirait s’informer de la situation. Je
m’asseyais même sur un tronc d’arbre en la rejoignant  car je ne sentais plus mes genoux. Je les
voyais bien sûr, pouvais les mouvoir également, mais point les sentir. Drôle de
sensation je te l’accorde, mais j’étais habitué à ce genre de choses car déjà
il m’était arrivé en prenant ma douche, par exemple, de frotter mes bras sans
les sentir. Sensation d’une anesthésie sans 
avoir été anesthésié…



- Je crois qu’il y a un problème ! me dit Pépite. On doit dériver depuis
un moment…

- Ah bon ? répondis-je

- Oui.

- Ah.



Oubliant mes genoux, je la rejoignis pour me rendre compte. Je me rendis effectivement
compte. Et plutôt deux fois qu’une, car 
surpris voire choqué, je rentrai à nouveau dans la forêt, fis quelques
pas de retour en arrière puis ressortis afin de voir si je me rendais compte de
la même chose encore une fois : malheureusement oui. Un chemin devait
normalement nous attendre et nous mener à un carrefour forestier, mais ce que
nous voyions là faisait froid dans le dos : le lavoir de
Saint-Rigomer-des-Bois. Autrement dit notre village d’enfance. Avec tout ce
qu’il faut autour : le village, les maisons, la route, la salle des fêtes.

Comment était-ce possible ?

Les gouttes de sueur froide coulant sur mon front n’apportaient aucune solution
et Pépite me regardait d’un air suspicieux. Je voyais également qu’elle
attendait quelque chose de moi mais je ne savais pas quoi. Je me sentais comme
un lapin à qui on aurait jeté des mottes de terre sur le crâne…



 



Je ne sais pas exactement combien furent les minutes de
léger tremblement et de regard hagard qui suivirent.  Apparemment trop au goût de Pépite, qui
s’affairait à me délivrer de légères claques lorsqu’un voile blanc s’éclipsa de
ma vision. Je parcourus du regard les alentours : plus de lavoir. Que
s’était-il passé ?



- Ce chemin va nous mener au carrefour forestier, m’informa Pépite, qui
m’adressait toujours cette lueur de suspicion dans son regard.



J’écrasai machinalement le mégot qui tombait de ma main et pris ce chemin qui
nous attendait. A quelques mètres près, nous étions arrivés au bon endroit.



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5 juillet 2011

En route vers les tulipes ! (Alençon - Amsterdam à pied)


Afficher En route vers les tulipes ! sur une carte plus grande


Alors, comme ça, nous allons faire une petite balade ensemble... ?

Ca ne me pose aucun souci. Je me sens détendu. Le soleil nous chauffe comme il y a un an, et surtout, nous avons le temps ! J'adore avoir le temps à cette saison. Pas toi ? C'est l'une des saisons où il est le plus facile de vivre avec presque rien. Un peu d'eau, de nourriture, et toute cette dose de bonne humeur dont nous arrose le soleil... Tout ce que tu peux avoir en plus te sera handicapant.

C'est ici ! D'ici que nous allons partir... Nous aurions pu partir d'ailleurs, mais puisque nous avons vécu ici pendant 9 mois, autant reprendre le chemin d'ici. Au coeur d'Alençon, sur la place de la mairie. Et si tu regardes par là, tu verras ce bâtiment rond qu'on appelle la Halle aux Blés. J'ai toujours trouvé que c'est ce bâtiment qui caractérisait Alençon. Quand tu arrives aux abords de la ville, si tu viens d'un chemin un peu en hauteur de la ville, tu verras la basilique et la Halle aux Blés qui donnent à Alençon cette silhouette qu'on reconnaît bien. En tout cas, que moi je reconnais bien...
Après être passé près de cette Halle, engouffre-toi dans le centre-ville, si minéral et manquant un tout petit peu de verdure. Ces rues pavées sont le plus bel endroit de la ville. C'est dommage qu'on ait rapidement fait le tour des beaux endroits à Alençon. Avec ce charme, la ville mériterait d'être trois ou quatre fois plus étalée. Mais les choses sont comme elles sont, n'est-ce pas ?
Certains jours ici, près de la basilique, tu peux acheter des glaces ou des gaufres l'après-midi. Rien de très original, mais je te le dis, au cas où... Une envie de glace peut frapper n'importe quand ! Tu pouvais déjà en acheter à côté de la Halle aux Blés, à la boulangerie, mais je n'y pense que maintenant...

Je suis heureux de partir. Reprendre les chemins, recommencer à se laisser vivre lentement et se rapprocher des bases, de la réalité... Un être humain sur sa planète, rien de plus !
Il était temps pour moi. A force de sédentarité et d'économies qui grandissaient, je commençais à regarder les voitures et à connaître les modèles de SEAT presque aussi bien que les capitales des pays. Six mois de plus et je faisais les annonces à la recherche d'une nouvelle voiture... Que veux-tu ? Le meilleur ami de la consommation est la médiocrité de nos existences, non ?
Heureusement, je ne suis pas tombé malade. J'ai réussi à conserver ces économies. On dit que le temps est de l'argent, mais je pense plutôt l'inverse.
L'argent, c'est du temps de liberté ! Avec 10 000 euros par exemple, deux possibilités s'offrent à toi. T'acheter une voiture neuve, qui te procurera du plaisir avant l'achat, et quelques heures, quelques jours après. S'ensuivra une période de plat, où tu ne ressentiras rien, puis viendra, peut-être longtemps après, mais inévitablement, des frustrations dues à l'usure de ton trésor. Tu devras recommencer la recherche d'euros pour compenser cette frustration par un nouvel achat. Je sais que tu le sais déjà...
Ou d'un autre point de vue, 10 000 euros, c'est aussi 10 mois de glandouille ! Glandouille mal vue bien sûr dans une société du travail et de la consommation, mais si on tient compte du fait qu'en moins de 80 ans nos corps sont l'équivalent de ces peaux de bananes qu'on jette sur un tas d'humus, cette possibilité paraît moins absurde... Quelques années à prendre le temps de vivre, à ressentir l'endroit où l'on vit, ne sont peut-être pas négligeables...

Ceci n'est qu'un point de vue... Il te reste combien d'années à toi ? En parlant d'années, as-tu déjà remarqué que si un être humain voulait faire le tour de la planète à pied, il aurait le temps ? On est quand même gâtés sur ce coup-là, non ? On aurait pu naître sur une planète tellement grande qu'il faudrait 400 ans à la parcourir à pied... Ca aurait été dommage...

Ta glace était bonne ? Continuons, alors ! Si nous allons par là, sur la gauche, que nous passons à côté de ces drôles de marches qui ne servent à rien et continuons tout droit, nous arriverons au bout d'un moment sur un grand rond-point décoré d'un ange verdâtre perché bien haut. Ici, tu peux ressentir l'appréhension des élèves d'auto-écoles qui passent leur examen, et tu peux aussi voir que Quakenbrück est à 931 kilomètres d'ici. Mais nous n'allons pas à Quakenbrück, nous allons à Amsterdam. C'est ici que passe le chemin. Ou plutôt, un des chemins qui pourraient nous amener à Amsterdam.

Comme je te disais, je suis heureux de partir. D'autant plus que cette fois je ne marcherai pas en solitaire. C'est accompagné de la femme que j'aime que je vais aller chercher les champs de tulipes. On dit que pour chacun de nous il existe une âme soeur et qu'il est possible de la trouver. Pour ma part, quand je m'endors avec sa douceur dans mes bras ; quand je me réveille illuminé par son sourire et amusé par ses cheveux emmêlés ; quand nous nous retrouvons dans toutes sortes d'endroits pour simplement ne rien faire, j'entends une petite voix qui me dit que ce n'est plus la peine de perdre du temps à chercher...

Il ne reste plus que quelques jours à attendre avant de commencer l'aventure. Cela fait déjà une semaine que nous avons quitté l'appartement et j'ai renoncé à mon travail depuis quelques jours. Encore quelques affaires à préparer, et nous ferons bientôt le premier pas de cette lente progression vers le Pays du Gouda.

Ce fut un plaisir de te rencontrer, n'hésite pas à repasser, je te raconterai avec plaisir ce qu'il peut se passer quand on frotte de ses semelles notre Terre-Mère...

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